LIGHTSPEED – Jérôme Diacre

LIGHTSPEED

par Jérôme Diacre

 

Diego Movilla présente une nouvelle série d’oeuvres conçues et réalisées pour occuper l’espace d’exposition du POCTB comme une suite d’expérimentations graphiques au parfum Pop’. À la manière d’un jeu de société, le visiteur est conduit de tableau en tableau. La gageure pour un peintre est audacieuse. Mais elle fonctionne parfaitement. Le langage des signes et essentiellement rétinien. Pour entrer, il faut avancer et trouver sa place. L’observation attentive est nécessaire. Les motifs fonctionnent sur le mode de l’apparition et de la dissimulation. La série des Masques jaunes en sont l’expression la plus évidente. On peut ne pas les percevoir, on peut les voir sans s’en rendre compte. L’effet de matière qui produit ces masques de catcheurs est ténu. La place occupée par le visiteur en fonction de la direction de la lumière est décisive. Inversement, Faking est une oeuvre qui joue avec la superposition d’écrans. Des tâches de couleurs vives se recouvrent et dessinent un motif de camouflage absolument visible comme l’on peut en rencontrer dans des bandes dessinées S. F. De la même façon que les Masques introduisaient le jeu de l’apparition et de la dissimulation, du fantomatique et de l’évanescent, Faking dissimule en faisant trop voir, en saturant l’oeil. On imagine bien ces sortes de paternes orner l’uniforme d’une garde exclusivement féminine au service d’un tyran halluciné.
L’univers des comics américains est très présent. Les châssis explosés, sans toile tendue, sont décrochés du mur et jouent avec l’espace. Sur un côté, le bois est découpé à la manière d’un éclatement en étoile, comme une explosion. On pense à une oeuvre de robert Smithson, homage à Carmen Miranda, dont Diego aurait conçu une déclinaison en volume. Dans une autre logique du jeu, Toc est une série de tableaux qui traquent l’illusion optique. Le rapport à l’espace passe par les effets immédiatement rétiniens de la répétition. Le noir et blanc, découpé en petits triangles droits, scintille aussi, comme les Masques, mais de façon plus irritantes comme d’innombrables pointes hérissées. Alors la sensation visuelle offre une perception tactile virtuelle. Si l’on s’approche des oeuvres pour les regarder en détail, un élément manquant surgit comme un parasite. Une coulure, une tache « troue » la régularité millimétrée du motif. Une fois de plus régularité et accident jouent avec la disparition et l’effacement.

 

Sublime shoots est explicitement érotique. Des taches de sperme souillent un paysage naïvement impressionniste. L’ovale de ces tableaux est encadré par une épaisse couche de cuir noir fixée par des clous. Le visiteur est convié à pénétrer dans un univers où pièges, codes et illusions se succèdent jusqu’aux Mur, sorte de marqueterie de parpaings tirée en affiche et Ctrl+Z, statment blanc sur un allover noir, qui semblent clore le jeu, – ultime effacement pour un retour nécessaire.