FANTÔMES ET APPARITIONS

du 26 mars au 2 novembre au Château du Rivau. Vernissage le 16 avril.

TATI     849419-13897712

Dégommé – Jacques Tati ou Le fantôme d’Alain de Francigny

Fusain et gomme sur papier. 65 x 50 cm. 2016

 

                              http://www.chateaudurivau.com/fr/art-expo-rivau-2016.php

 

 

 

Expo du Rivau 2016 : Fantômes et Apparitions

« On ne sait pourquoi, mais les fantômes aiment à fréquenter les châteaux ».

L’exposition Fantômes et Apparitions met en scène ces figures qui fascinent toujours les artistes de notre époque après avoir hanté les imaginaires des générations précédentes.
Le mouvement romantique au XIXe siècle avait porté son regard sur les traditions et les croyances populaires qui alimentent ces hantises. De nos jours, nombre d’artistes se passionnent encore pour cet espace mental peuplé d’êtres étranges, de quête de l’irrationnel et de survivance d’images hallucinatoires.

Dans les 8 grandes salles du château: 35 oeuvres d’artistes contemporains dialoguent avec les oeuvres d’art de la collection permanente. Toutes proposent aux visiteurs un univers porteur d’émotions témoignant de la prégnance de l’irrationnel à l’heure des nouvelles technologies.

Ainsi, dans la salle consacrée aux grands seigneurs qui ont érigé le château, sur le manteau de la cheminée médiévale, la toile de Fabien Verschaere explore la frontière entre le réel et l’au-delà tout en représentant les obsessions de l’artiste sur un mode loufoque.L’artiste américaine Marnie Weber mixe dans sa pratique le carnavalesque avec le spiritisme, un mouvement religieux où l’esprit des morts communiquerait avec le monde des vivants. La figure féminine, une autre de ses obsessions transparaît aussi dans son Curly ghost clown.

Dans le cabinet de travail du Seigneur des lieux, la sculpture Salvatore mundi de l’artiste Jan Fabre semble faire revivre le mythe du fantôme du chevalier errant. Une main gantée d’armure a transpercé le mur et retient une boule recouverte d’élytres de scarabées représentant le globe terrestre surmonté d’une colonne vertébrale.
Sur le bureau, la pièce de verre et d’eau, Bottle of Tears de Jean-Michel Othoniel, réactive la boule de cristal des médiums ou les dispositifs que les surréalistes créaient pour réanimer des voix fantomatiques. Créatures, nimbées de voile, les Nephesh de l’artiste Nathalie Rebholz apparus dans le foyer de la cheminée, évoquent l’imaginaire du fantôme même si les spectres d’habitude sont sérieux ou même morbides alors que les Nephesh semblent aimables et de bonne compagnie.

La hantise peut être dans la tête. Le diptyque photographique Mare Vaporum de Ljubisa Danilovic réalisé avec le rare procédé d’héliogravure au grain met en scène un personnage et son ombre que l’artiste ne parvient pas à effacer de sa mémoire.

À côté, les peintures au spray Death is certain réalisées à la manière de photogrammes, du duo Clara Djian & Nicolas Leto rappellent que les ombres des personnages disparus nous suivent, négatifs de l’image nette des êtres de chair et de sang. Le duo tente de réconcilier les vivants avec les morts au moyen d’un médium qui souligne l’au-delà.

Sur la console, les sculptures blanches du duo Combey-Pion imprègnent une atmosphère fantomatique et étrange. Dispositif qui évoque les manipulations troublantes des surréalistes.

Au-dessus du cabinet de bois doré datant du XVIe siècle, le dessin animé Jardin des Ombres de l’artiste hongroise Eva Magyarosi entremêle revenants, fantômes, arbres et fleurs des jardins du Rivau en une sorte de rêve éveillé.
À l’aide du fusain, le plasticien Diego Movilla procède par effacement. Ainsi, issu de la série des Dégommés, le dessin que sa main avait tracé, s’est transformé grâce à une sorte de « repentir » pictural en une apparition brouillée, survivance dans l’esprit de l’artiste des héros historiques qui l’ont marqué.

En rapprochant deux blocs de minéraux, l’artiste Évariste Richer a substitué l’image de l’enfoui à une vision d’halluciné évoquant les lunettes de pierre ou de bois des Inuit dans un diptyque photographique.

Dans le cabinet qui renferme des Albarelli du XVIe siècle, l’artiste Hervé Le Nost a glissé un intrus : anthropomorphique sa pièce Peter réalisée en céramique à partir des formes de la faïencerie de Quimper évoque Peter Brady cet homme devenu transparent à la suite d’expérience. Cette pièce rend visible l’invisible et exprime avec humour le mystère qui caractérise l’état émotionnel que transmettent les phénomènes surnaturels liés à l’idée d’apparitions.

Dans la salle du grand logis, les oeuvres d’artistes hantés par les revenants sont confrontées de manière inattendue avec des objets d’histoire naturelle ou ethnographique. Nadia Sabourin a convoqué les taxidermies de la salle du grand logis pour leur insuffler un nouveau destin. Les artistes ne sont-ils pas des êtres doués de facultés supranormales, des médiums ? Devant la cheminée, la sculpture en bois carbonisé Catabase inspiré par la descente aux enfers de l’Antiquité se comporte en spectre du trophée de sanglier victorieusement accroché au mur.

Sculpté par Nadia Sabourin de manière à la fois primitive et raffinée avec le détail du museau de porcelaine, le totem carbonisé En traversant le bois réincarne les massacres de chevreuil qui peuplent cette salle, assurant à ces trophées réduits à l’état de squelette leur survivance par l’image.

Avec Noirs Desseins l’artiste montre une autre facette de son talent. Elle procède par effacement pour gommer le pastel, telle la mémoire qui s’estompe. L’image nette de ce doudou choyé s’est comme estompée, floutée par le temps qui est passé et par le geste de l’artiste. Le grey heron du duo hollandais Marten Kolk et Gus Kuster a pris forme d’un oiseau fantomatique par le geste des deux artistes qui ont remplacé le plumage par du tissu.

Ces oeuvres conversent avec celles de la collection permanente du Château comme le reliquaire Chasse châsse sucrée imaginée par Karine Bonneval, survivance des fantômes de la forêt, ou l’esprit du sanglier même si réalisé en tricot du duo Art Orienté objet.

Si cette salle est consacrée aux survivances et aux spectres d’animaux, il est apparu que les ombres d’êtres disparus devaient être aussi portés à la connaissance du public.

La plupart des fantômes répertoriés dans l’histoire sont des squelettes vêtus de noir, spectres de vivants qui ont commis des atrocités. La pièce de Pierre Ardouvin Déguisement nous le rappelle : heureusement, les bonnes fées des jardins veillent sur Le Rivau. N’ayez pas peur. À côté, l’image secrète de la Sorcière de l’Allée Assolant peinte par Sanjin Cosabic ne peut se révéler qu’en utilisant la lampe à UV qui y est attachée. Cette vision sera révélée aux plus curieux et livrera le monde invisible de la sorcellerie, l‘univers imprégné de savoirs scientifiques, géopolitiques, de magie blanche et de fantômes. Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas les choses qu’elles ne sont pas là, il y a toujours plus que ce que rencontre l’oeil, dévoile l’artiste.
Au mur, avec les serres, Katia Bourdarel s’attache à la représentation de l’énergie de déplacement et de transformation. L’artiste révèle la noblesse qui émane de la gent ailée en parant de serres d’argent un oiseau mystérieux se créant de lui-même à partir d’une branche consumée.

Dans la salle du festin règne une atmosphère feutrée, l’installation Blanc Manger de Magali Vaillant offre au regard une déambulation entre les différents plats d’un buffet fantôme. Sur la grande table revêtue d’une nappe blanche attendent les spectres de gâteaux-topiaires vestiges en nuance de blanc d’un festin de feutre, dentelles, perles, fourrure et plumes.

Encore plus curieux sur le coffre, une tasse à thé recouverte de fourrure semble avoir été abandonnée, mais par qui ? L’artiste polonaise Joanna Malinowska revisite la tasse de Meret Oppenheim le déjeuner en fourrure en suggérant que des fantômes aient abandonné un sachet de thé sur la soucoupe.

La salle des dames est consacrée aux créatures féminines. Antoine Roegiers est hanté par la peinture d’Histoire. Sa mise en scène personnelle pose la cape rouge comme la survivance des images émotionnelles transmises par le passé. La photographe tchèque Barbara Bolkova se met en scène au milieu des meubles oubliés recouverts de draps blancs de protection. Avec Wardrobe l’artiste élabore un double d’elle-même mi- femme mi-objet inanimé attribuant ainsi une énergie féminine aux objets ménagers.

Katia Bourdarel est inspirée par les légendes de la forêt. Petit-frère est une apparition, mi-femme, mi-cerf, une sorte d’esprit de la forêt contrepoint à la tendance rationaliste de notre époque et ouvrant les portes de l’imaginaire de la forêt hantée des contes de fées.

Autres créatures féminines apparaissant dans les campagnes, mais aussi aux habitants de châteaux, les Dames blanches. Ces silhouettes transparentes sont annonciatrices de bouleversements. La peinture de Katia Bourdarel, La peau des choses évoque ces personnages mélancoliques, gardiennes d’une lignée et qui comme les apparitions sont le signal d’alarme des dangers qui guettent la société.

Sur la table, la constellation de sculptures de papier du duo Pion-Combey alimente l’imaginaire de la vie de fantôme : comme si ces constructions-pliages étaient les résurgences des objets ménagers de personnages disparus et toujours présents dans les mémoires.

Dans la salle consacrée à Jeanne d’Arc : Sept mille quatre-vingt-quatre. C’est le nombre de jours vécus par Jeanne d’Arc. C’est aussi le nombre de traits qui constituent le dessin Enluminé. À travers la réalisation du portrait de cette visiteuse historique du Château de Rivau, c’est aussi la figure inoubliable du film de Carl Theodor Dreyer que l’artiste Julien Serve tente de faire réapparaître en s’inspirant du visage de l’actrice du film dont la puissance psychique continue à hanter sa mémoire.
À côté de la porte menant à la chambre de Jeanne : une peinture peinte sur panneau de bois évoquant les miniatures. Anne Brégeaut a inventé un nouveau procédé faussement naïf pour stimuler l’imaginaire fantomatique. Comme dans les contes de fées, l’espace et le temps ne sont pas indiqués. Seule la narration invite à percer les secrets de cette chambre puis ceux de notre inconscient. L’image lenticulaire de Mat Collishaw où l’ange Gabriel apparaît ou disparaît selon la position du regardeur nous remémore les phénomènes surnaturels qui depuis toujours obsèdent les humains.